Dog et Mirales sont amis d'enfance et vivent au Pouget, un village de l'Hérault. Si le premier doit bientôt partir à l'armée, le second n'a pas de plans précis, et, en attendant, ils passent la majorité de leur temps, ensemble, à traîner dans les rues. Un jour, Dog prend en stop Elsa, une étudiante venue s'installer un mois dans la maison de sa tante, et entame une relation avec elle. Mirales en prend alors ombrage...

Des jeunes qui glandent, des vannes qui fusent ; on pourrait se croire dans un énième film s'intéressant à la jeunesse de banlieue, ce que ce remarquable premier long-métrage n'est pas du tout. Par le cadre géographique, bien sûr, mais surtout parce que le film se situe loin de tout sentier balisé et ne cesse de nous surprendre. En particulier grâce à ses personnages principaux loin des clichés et beaucoup plus complexes que ce que l'on pourrait croire au premier abord. Si Dog est peu à l'aise avec les mots tandis que Morales possède une faconde intarissable, c'est pourtant lui qui, malgré son effacement apparent, sait ce qu'il veut faire et réussit à embrasser Elsa ; alors que le second a bien du mal à dissimuler sa profonde solitude derrière ses flots de parole. 

Mis en scène avec une très grande justesse, tout y semble évident, naturel, le film est porté par trois acteurs ébouriffants. Galatea Bellugi (L'Apparition de Xavier Gianoli, Une jeunesse dorée de Eva Ionesco), Anthony Bajon (La Prière de Cédric Kahn, Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma) et Raphaël Quenard, véritable révélation du film.  Déjà vu dans de petits rôles (Coupez de Michel Hazanavicius, Fumer fait tousser de Quentin Dupieux), il est totalement irrésistible dans ce grand rôle. Avec ses joggings improbables, Mirales a l'air d'un parfait crétin, pourtant il cite Montaigne fort à propos ; charmant et doux avec une vieille voisine pianiste, il est aussi capable d'une cruauté dérangeante avec Dog lors d'une mémorable scène de repas. Aussi drôle que troublant, il est à l'image de cette histoire d'amitié inconditionnelle et étouffante qui s'adresse à tous et est d'une belle intelligence. Chien de la casse nous embarque dans un univers pas si commun et nous fait passer du rire aux larmes tout en diffusant une mélancolie déchirante qui réussit la prouesse de nous enthousiasmer.

JF