Parfois, au ciné, je me regarde regarder le film, je me demande si j'aime, je "m'introspecte", je "prendsdurecule", bref, j'analyse la forme. Cette fois, j'ai été happé, capté, malgré quelques détails agaçants comme l'image un peu trop léchée, avec les voitures qui rutilent, les vêtements bien propres et bien repassés des personnages dans les ruines de la guerre. C'est donc un cinéma (britannique) de facture hollywoodienne avec musique sirupeuse et Keira qui minaude (le mâle qui sommeille en moi apprécie quand même).
Pourtant, malgré ces défauts superficiels, "The Imitation Game" est pour moi, un très beau film. Il y a d'abord l'histoire fascinante et vraie d'Alan Turing, avec un double intérêt: le défi du décodage (sauver des vies, vaincre Hitler), et le mal-être du personnage, différent des autres, homosexuel, hyper intelligent et arrogant, incapable de s'insérer, le MISFIT exemplaire.
D'autre part, le récit est bien construit, les différents flashbacks éclairent petit à petit la personnalité de Turing tout en entretenant le suspense sur la résolution du problème. Et puis, si l'image est selon moi, un peu trop "propre", j'ai quand même apprécié la fluidité des mouvements de caméra et la belle lumière. Benedict Cumberbatch est excellent, il exprime le mal-être de Turing avec beaucoup de conviction.
Ce jeu de la machine qui cherche à imiter, voire dépasser l'homme, est donc un grand film, j'ai été ému par le spectacle de la belle mécanique intellectuelle de Turing qui gagne pour l'humanité, tout en perdant sur le plan humain et personnel, broyé par les conventions morales étriquées des politiques de l'époque.