Pauvre Roumanie ! Avant et après Ceaucescu, toujours la même misère, aucun espoir, noir c’est noir. Ceci n’est pas une comédie, pas un sourire sur les visages des différents personnages, tout est glauque et triste, les décors, la lumière… C’est une réflexion sur l’engrenage des compromis, des compromissions, des lâchetés, la corruption qui gangrène toutes les sociétés, riches ou pauvres, dans les ex pays communistes ou les pays capitalistes.
La mise en scène est très réussie, en phase avec le propos. Le hors-champ est intelligemment utilisé, beaucoup de choses sont suggérées. On peut faire un parallèle avec la profondeur de champ et les plans larges utilisés par Orson Welles pour laisser le spectateur libre de promener son regard dans le cadre, contrairement au gros plan qui nous guide et nous enferme. Avec le hors-champ, le spectateur participe à la création, il imagine, il suppute… Cependant, Mungiu utilise aussi des cadrages serrés, plans poitrine, et des caméras portées derrière Romeo, le personnage principal, façon Dardenne (co-producteurs du film), notamment dans les scènes de suspense et d’action.
Il y a donc à la fois, un engrenage lent, inexorable et aussi une part de mystère. Romeo, comme la Rosetta des Dardenne, s’agite, se débat et s’enfonce, il n’y a pas plus d’issue pour un roumain d’une classe aisée aujourd’hui que pour une ouvrière intérimaire en France ou en Belgique. Un film fort.